"Brodsky. Poète américain d'origine russe"
www.evene.fr/celebre/biographie/joseph-brodsky-...вообще же..
www.espritsnomades.com/sitelitterature/brodsky/...Choses et gens nous
entourent. Et les deux
déchirent l’œil.
Mieux vaut vivre dans le noir.
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Je suis assis sur un banc
du parc et je suis des yeux
une famille qui passe.
La lumière me répugne.
C’est janvier. L’hiver.
Selon le calendrier.
Quand le noir me répugnera,
alors je parlerai.
Voilà. Je suis prêt. Commencer.
Peu importe par où. Ouvrir
la bouche. Je peux me taire.
Mieux vaut que je parle.
De quoi ? Des jours, des nuits,
ou bien encore de rien.
Ou encore des choses.
Des choses et non des
gens. Ils mourront.
Tous. Je mourrai aussi.
Vaine entreprise.
Comme d’écrire au vent.
читать дальшеSeule la cendre sait ce que signifie brûler jusqu´au bout.
Je le dirai pourtant, après un coup d´oeil myope par-devant :
tout n´est pas emporté par le vent, et le balai
qui râtisse ample dans la cour ne ramasse pas tout.
Nous resterons, mégot fripé, crachat, dans l´ombre
sous le banc, où pas un rayon ne pénètre,
et, étroitement enlacés à la fange, comptant les jours,
nous nous ferons terreau, dépôt, couche culturelle.
Devant sa pelle maculée, l´archéologue ouvrira grand la bouche
en un hoquet ; mais sa trouvaille tonnera
sur l´univers, comme une passion enfouie dans la terre,
comme la version inverse des Pyramides.
" Charogne!" soufflera-t-il en se tenant le ventre,
mais il sera plus loin de nous que la terre ne l´est des oiseaux,
parce qu´être charogne, c´est être libre de ses cellules, libre du
tout : apothéose des particules.читать дальше
J'étais cela seulement
que tu effleurais de la paume,
sur quoi dans la dense nuit
d'encre, tu inclinais ton front.
J'étais tout juste ce que toi
Là, au-dessous, tu discernais:
vague contour d'abord,
beaucoup plus tard des traits.
C'est toi, ardente, qui
de dextre, de senestre,
m'as créé de murmures
la conque de l'oreille.
C'est toi qui déchirant
un voile dans le creux humide
de la bouche m'as donné
cette voix qui t'appelle.
J'étais aveugle, simplement.
Toi, venant, te cachant,
tu m'as offert la vue.
Ainsi laisse-t-on une trace.
Ainsi se créent les mondes.
Ainsi, après, souvent,
on les laisse tourner,
cadeau abandonné.
Ainsi livrée au froid,
au chaud, à l'ombre, à la lumière,
perdue dans l'univers,
tournoie la terre.